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                 Caty







                 BANNEVILLE






































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                                                                     150 x 150


           Entre  ombres  et  reflets,  l’artiste  est  à  l’affût  des   lui  tend chaque jour  la bondissante  rivière voisine.
           moindres vibrations du monde. On dirait que le pay-  La  poésie,  comme  on s’en  doute,  occupe  beaucoup
           sage a chez elle table ouverte. Il se laisse caresser du   de place dans la vie intime de l’artiste, relevant de
           regard, prenant à chaque saison une couleur particu-  ces  palpitations  infimes  que  ne  peut  saisir  que  le
           lière. Après l’éclosion des verts tendres aux infinies   cœur, toujours en  avance  sur le reste.  L’univers  de
           nuances soyeuses, on verra s’allumer le jaune entê-  Caty  BANNEVILLE  exalte  la  grâce  native  des  fleurs,
           tant du colza, puis ce sera le bleu céleste et purifiant   la légèreté des tiges qu’agite le souffle de la brise,
           du lin, la danse légèrement  ambrée  des graminées   le chant innombrable des sources, ce portrait de
           (dactyle, flouve, fétuque, pâturin, folle avoine), les   l’éternité. Il a la volupté radieuse et bienfaisante de
           pourpres capiteux  de  l’automne  et  le grand  silence   l’éphémère, de l’insaisissable des jours. En contem-
           de la neige où s’inscrivent brindilles et fragiles pattes   plant  son  champ de  colza, on a  la  sensation  d’être
           d’oiseaux, comme une sautillante calligraphie venue   immergé dans un bain poudreux de pollen, comme si
           des confins de l’Orient. On ne sait plus si c’est Caty   les pigments qu’elle broie se répandaient à son insu
           qui crée le tableau ou le tableau qui la fait naître.   dans l’atmosphère, à l’instar d’un parfum dissolvant
           La peinture est pour elle un constant cheminement   les chaînes du temps. Une fragrance qui vous donne
           spirituel,  une  manière  de  saluer  la présence  rassu-  des ailes. Je pourrais conclure cette approche en di-
           rante des choses, d’entrer dans l’épaisseur de l’eau,   sant que Caty BANNEVILLE s’impose pour moi comme
           dans  les profondeurs  chatoyantes  du miroir  que  un grand peintre.
                                                                            Luis PORQUET, écrivain, critique d’art
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