Page 17 - Présentation du livre Emmanuel Dilhac - Signes d'un Ici et d'un Ailleurs - 2021
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Peinture et Alchimie des signes
Qui peut prétendre échapper à la séduction qu’exerce au premier regard la peinture d’Emmanuel
Dilhac ?
Sang de terres, poudres de limon, feu d’ambres, pluies de cendres, sables et cuivres, laves d’éme-
raudes couleur outremer, ces matériaux évoquent le raffinement mais aussi le tellurisme du Monde.
Signes et sons se déploient en gravures furtives de mélopées perdues. Avec ses arabesques, ses bri-
sures, ses totems, ses sanctuaires, l’œuvre que l’artiste transmet tend cependant à un autre ensei-
gnement que celui trop souvent conformiste de la beauté.
L’émotion dépassée, c’est le voyage de la Mémoire qui s’offre en méditation vers la Source, l’Ar-
chétype. Et la transformation suscitée par l’enchaînement rythmé des glyphes, un peu à l’image du
Yi King millénaire. Les réminiscences se font souffle, vibration. Ainsi s’ouvrent les portes du temple
intérieur. Par imprégnation, Emmanuel Dilhac nous transmet la loi secrète d’harmonie, inspiratrice de
toute vie.
Madeleine Caty, peintre
Emmanuel Dilhac est un archéologue, mais de l’espèce la plus rare : il est poète. Il sait provoquer
les sons originels, à mains nues, les sons que l’homme de la préhistoire parvint à recréer et à séquen-
cer au moyen des « instruments » les plus immédiats, les plus indigents dont il pouvait disposer :
fragments d’os, brisures de pierres, troncs évidés, coquillages abandonnés sur la grève.
Devant nous, Emmanuel Dilhac fait de nouveau surgir l’instant fondateur de la Civilisation, l’acte
démiurgique par lequel l’homme aurait accédé à la gratuité, à l’art, à l’autonomie : il est devenu
l’égal de la Nature qui l’oppresse et l’absorbe.
Voilà que l’homme s’enchante de reproduire à volonté les sons qui l’enveloppent et le terrorisent :
bruissement sifflant du vent, cri rauque du fauve, écoulement cristallin de la cascade, percussion
syncopée de sabots au galop, ébranlement sourd du ressac...
Le voilà qui s’affirme l’égal de la Nature, de son redoutable bestiaire comme d’une végétation
toute frémissante de forces invisibles.
Avec le poète des origines les racines chantent tandis que les pierres deviennent sonnantes et que
leur alignement se fait gamme. Ne retrouve-t-on pas aujourd’hui encore sur quelque marche du Por-
tugal des « lithophones » sur lesquels la population entretient les vestiges orchestraux des origines ?
Mais Emmanuel Dilhac ne se contente pas de faire résonner « les orgues de la terre », il fait entrer
les formes primitives et les matières brutes en résonnance avec l’Homme, cette « particule d’étoile »
s’exclame-t-il.
Son propos, son itinérance de solitaire : saisir dans le retour aux origines les éléments premiers de
la création, ceux-là même qui informent la création, les alphabets fondamentaux, mieux, l’alphabet
universel du son comme du signe, de l’homme comme du minéral, du végétal comme de l’animal.
Panthéisme cosmogonique imprégné du sacré.
Gilbert Caty, écrivain