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Jacques Selle ne peint pas le visuel mais se  L’inspiration  de  Jacques  Selle  s’inscrit  dans  les
               sert du visuel pour peindre des sensations.        nuances  de  ses  sensations,  artiste  il  devient
                                                                  poète, poète il devient musicien, musicien il se
               Chez  lui,  l’évocation,  qui  reste  forte,  surpasse   métamorphose en esprit et nous ouvre les portes
               les réalités  et  va rechercher  ses racines  dans   du sublime.
               les subtilités d’un langage fait de nuances et de
               couleurs à partir desquelles  s’enveloppent  les  La matière, la vie sont là, présentes, unies ! Mais
               formes et les surfaces, afin de se fondre dans une  l’impression l’emporte sur le réel, le rêve pro-
               nouvelle identité.                                 longe la réalité.
               Comme sous un manteau de brume protectrice,        Ainsi de cette jeune femme aux seins lourds de
               la matière  évanescente  et  vivante  couvre avec   promesses dont l’artiste ne fait qu’évoquer les
               pudeur les contours des choses.                    charmes, qui vont parcourir le jardin secret de
                                                                  son corps pour y rechercher la source d’un para-
               Le voile transparent, dont la célèbre danseuse,    dis aujourd’hui oublié.
               Isadora  Duncan,  couvrait  la  perfection  de  ses
               formes, devenait le prétexte de vie dans laquelle   Ce que les premières visions nous offrent, et qui
               s’inscrivait l’harmonie d’un mouvement.            se révèle par une abstraction, c’est à l’évidence
                                                                  un changement de langage dans lequel Jacques
               Celui-ci s’intégrera lui-même dans la fluidité mu-  Selle a trouvé une autre résonance, dont les to-
               sicale de la chorégraphie pour faire naître une    nalités semblent couvrir le message habituel.
               autre création composée d’impressions et d’al-
               lusions.                                           Certes l’œil exercé découvre les effluves du réel,
                                                                  de la matière vivante et profonde, mais celles-
               De la sorte, le peintre lie étroitement, dans une  ci sont idéalisées et  ne  se laissent  apercevoir
               même composition, la vigueur des faits, que tra-   qu’éclairées par une autre lumière plus délicate,
               duit celle des couleurs, et les raffinements intel-  plus imaginative, plus sensuelle dans laquelle se
               lectuels que cueille le regard du créateur, mu par  rejoignent l’universalité des arts et de la beauté,
               les reflets changeants des humeurs.                réfugiée à jamais au pays des harmonies.
                                                                                                 Agnès LECOMPTE
                                                                                                    Critique d’art































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                                                                               100 x 100
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